Une occasion gâchée et de graves erreurs

Sujets généraux sur le vin.
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mauss
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Une occasion gâchée et de graves erreurs

Message par mauss » mer. 03 mai 2006 3:11

On se souvient tous de la fameuse dégustation de 1976 à Paris où, à l’initiative de Steven Spurrier, des vins américains avaient « battu » des vins bordelais lors d’une dégustation comparative à l’aveugle.

Voilà que plusieurs personnes souhaitent remettre le couvert en Angleterre, si l’on en croit l’annonce faite sur le site de Decanter.com, Plusieurs problèmes sont survenus pour ce projet qui compte oppose à nouveau les vins dégustés en 1976:


Vins blancs

United States - Chateau Montelena 1973
France - Meursault Charmes Roulot 1973
United States - Chalone Vineyard 1974
United States - Spring Mountain Vineyard 1973
France - Beaune Clos des Mouches Joseph Drouhin 1973
United States - Freemark Abbey Winery 1972
France - Batard-Montrachet Ramonet-Prudhon 1973
France - Puligny-Montrachet Les Pucelles Domaine Leflaive 1972
United States - Veedercrest Vineyards 1972
United States - David Bruce Winery 1973

Vins rouges

United States - Stag's Leap Wine Cellars 1973
France - Château Mouton-Rothschild 1970
France - Château Haut-Brion 1970
France - Château Montrose 1970
France - Château Leoville Las Cases 1971
United States - Ridge Vineyards Monte Bello 1971
United States - Mayacamas Vineyards 1971
United States - Clos Du Val Winery 1972
United States - Heitz Wine Cellars 'Martha's Vineyard' 1970
United States - Freemark Abbey Winery 1967

Le premier problème semble être une soi-disante opposition de la part des propriétés bordelaises dont les vins sont cités ici.
Le second problème semble être aussi une soi-disante opposition de la part des domaines californiens, peu chauds de revoir cette dégustation.




Et c’est là que les choses se gâtent, du point de vue de l’amateur pour qui ces dégustations doivent se faire sur une rigoureuse parité.

Le premier point qu’on est en droit d’évoquer est de ne pas solliciter les châteaux pour obtenir les vins, car, face à leur peu d’enthousiasme – et on les comprend – la négociation a poussé les organisateurs à leur concéder un point majeur : on indiquera l’origine géographique des vins ! Première entorse énorme à une comparaison régulière. Et d’ailleurs, pour un tel événement, il eût été bien plus sage de rechercher des sponsors qui eux, auraient fourni les vins, gardant ainsi une totale liberté vis à vis des Châteaux et Domaines.

Le second point est l’étonnement de voir se répéter les erreurs grossières de la dégustation de 1976, à savoir la comparaison de vins de millésimes différents : on est là dans un arbitraire absolu, justifié par rien du tout !

Enfin, il semble que le panel des dégustateurs retenus soit à majorité anglo-saxon. Loin de nous l’idée de dire qu’ils sont incompétents, mais à l’heure européenne, à un moment où les plus grands vins du monde se goûtent sur tous les continents, il eut été logique et élégant d’inviter des représentants asiatiques, allemands, italiens, espagnols.

Bref, là où on pouvait relancer sur des bases saines les belles différences existant entre les grands crus de Napa et les vins bordelais, entre les chardonnays du nouveau monde et l’élégance unique des grands bourgognes blancs, on va assister à une pâle copie d’un événement qui, effectivement, à son époque, a marqué le monde du vin, malgré les énormes imperfections qui le caractérisaient.

Attendre trente ans pour en arriver là, voilà bien un gaspillage d’énergie et un manque profond d’esprit d’équité.


Le vin se fait dans la vigne, pas dans la cave.

Stéphane
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Message par Stéphane » mer. 03 mai 2006 8:16

Quelques compléments d'informations au texte de François.

Du côté français, Paul Pontallier — Château Margaux — ainsi que 2 autres producteurs bordelais, Mouton-Rothschild et Haut-Brion, refusent de participer au 30e anniversaire de la dégustation Paris 1976, arguant qu'ils ne désirent aucunement que leurs vins soient dégustés «côte à côte» avec les vins californiens. «Nos vins sont trop différents pour être comparés (aux vins californiens)» prétextent-ils.

On préfèrerait «Bordeaux contre Bordeaux», «Californie contre Californie». Simple, sans danger.

Et Steven Spurrier — le caviste britanique à l'origine de la dégustation Paris 1976 — d'être en accord avec la position française. Allez comprendre...

De ce côté-ci du continent, nous ne sommes pas à court d'arguments pour justifier son refus de participer.

D'une part, James Barrett, propriétaire du Château Montelena — grand gagnant de la dégustation Paris 1976 avec son Chardonnay 1973 — refuse d'être présent si Miljenko Grgich, à l'époque vinificateur en chef du Château Montelena — c'est lui l'artisan dudit Chardonnay 1973 — aujourd'hui propriétaire du vignoble californien Grgich Hills Cellars, compétiteur direct du Château Montelena. Raison évoquée : de vieilles hostilités qui persistent entre les deux hommes depuis que Miljenko Grgich a quitté le Château Montelena en 1977 pour créer son propre vin.

Miljenko Grgich affirme que son ancien patron, James Barrett, ne lui a jamais accordé le crédit qui lui revient relativement au fameux Chardonnay 1973 du Château Montelena, ce qu'il considère injuste — avec raison — puisqu'il en a été l'artisan, seul et unique.

Au final, «l'un OU l'autre participeront. C'est lui, ou c'est moi» de dire James Barret.

Harlan Estate et Kistler Vineyards refusent eux aussi l'invitation.

Selon William Harlan II : «Malgré les très nombreuses invitations que nous recevons de toute part, il est très rare que nous acceptions que nos vins fassent partie de telles dégustations».

Mais la palme du prétexte le plus futile revient sans aucun doute à Mark Bixler, co-fondateur de Kistler Vineyards : «Nous n'avons pas suffisamment de vin pour y participer».

Soulignons que Kistler Vineyards produit annuellement 30 000 caisses de son vin grandement convoité, disponibles seulement aux quelques milliers d'amateurs privilégiés inscrits à la liste d'envois.

(un grand nombre de vins cultes californiens — sinon la majorité — dont Screaming Eagle, Harlan Estate, Colgin Cellars, Araujo Estate, Bryant Family, pour ne nommer que ceux-là, ne vendent leurs vins que par liste d'envois... Et l'attente peut être très longue pour obtenir le simple privilège d'être inscrit à ces fameuses listes. Il y a même listes d'attentes de listes d'attentes... Voyez le phénomène ?)

En 1976, tous ont bénéficié de la visibilité qu'offrait ce grand événement international ce, des deux côtés de l'Atlantique. Surtout les américains.

30 ans plus tard, alors que producteurs français et américains mènent une lutte à finir pour maintenir ou accroître leurs parts de marchés respectives, tous sont un brin frileux, excessivement prudents, de peur de perdre une partie de la tarte, par crainte aussi de perdre la face.

Les motivations ont hélas bien changées ! De noblesse à rentabilité elles sont passées.

Alors que l'on aurait pu considérer le 30e anniversaire de ce grandiose événement que fut le «Jugement de Paris 1976» comme une grande célébration, un hommage au divin nectar et à ses artisans — permettez-moi svp de préserver cette naïveté qui est mienne, à tort ou à raison — on a préféré l'étiqueter de «compétition à haut risque».

Dommage... Fort dommage.

Chauvinisme ou corporatisme à excès ? Peut-être un amalgame des deux ce, de part et d'autre.

*******************************************************

À lire absolument pour bien saisir l'impact — considérable — qu'a eu cet événement sur notre petite planète vin, et les changements qu'il a provoqué tant en Amérique qu'en Europe :

Judgment of Paris : California vs. France and the Historic 1976 Paris Tasting That Revolutionized Wine

Pour votre information, les gagnants du Jugement de Paris 1976 furent :

ROUGE
Stag’s Leap Wine Cellars 1972 - Napa Valley
Château Mouton-Rothschild 1970 - Bordeaux
Château Haut-Brion 1970 - Bordeaux
Château Montrose 1970 - Bordeaux


BLANC
Château Montelena 1973 - Napa Valley/California
Meursault-Charmes Domaine Roulot 1973 - Bourgogne
Chalone Vineyard 1974 - Monterey County/California
Spring Mountain Vineyard 1973 - Napa Valley/California

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Message par Arafat » mer. 03 mai 2006 9:46

Merci beaucoup. Très intéressant! et ça le serait d'autant plus si la dégustation a lieu.

Arafat
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Stéphane
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Message par Stéphane » mer. 03 mai 2006 9:58

Il y aura célébration le 24 mai prochain, à Napa et à Londres. Loin cependant de la forme originale de l'événement de 1976, pour les raisons précédemment mentionnées.

Durant cette journée «commémorative» seront simultanément dégustés vins français et californiens.

mauss
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Message par mauss » mer. 03 mai 2006 13:16

Désolé de m'inscrire en faux, mais pour les motifs précités dans le début du post, cette dégustation n'a strictement aucun intérêt et tout amateur se doit de réagir contre de telles manifestations qui n'ont absolument aucune valeur.

Du pipeau, rien que du pipeau.
Le vin se fait dans la vigne, pas dans la cave.

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Message par Stéphane » mer. 03 mai 2006 18:53

mauss a écrit :Désolé de m'inscrire en faux, mais pour les motifs précités dans le début du post, cette dégustation n'a strictement aucun intérêt et tout amateur se doit de réagir contre de telles manifestations qui n'ont absolument aucune valeur.

Du pipeau, rien que du pipeau.
François, lorsque vous parlez de cette dégustation, de laquelle parlez-vous ? Celle de 1976, ou celle de mai 2006 ?

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Message par mauss » mer. 03 mai 2006 21:28

Les deux sont fondamentalement entâchées d'erreurs :

La première :

- mélange de millésimes
- comparaison de vins manifestement pas au même niveau d'évolution

La seconde :

- demander les vins à la propriété et, vu le refus, baisser culottes en disant que, finalement, on indiquera la provenance géographique des crus
- mélanger encore des vins de millésimes différents

Ce sont des défauts rédhibitoires.
Le vin se fait dans la vigne, pas dans la cave.

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