Réponse aux propos d'Anthony Carone
acarone a écrit :
Vous parlez d'être unis, mais vous appartenez au conseil d'administration d'une association qui n'a pas l'intention de s'unir à quiconque à l'extérieur de la province, en ce qui concerne la réglementation OIV sur la production du vin de glace, les règlements fédéraux canadiens sur le vins du glace, ou même les règlements RACJ sure l'ettiquetage. Alors, comment pouvez-vous parler des deux côtés de la bouche?
Etre Uni signifie être unis avec le reste du Canada, et pas seulement votre petit coin.
Bonjour Anthony,
Toutes les questions et les points que tu soulève méritent que je prenne le temps de répondre à chacune avec la meilleure précision possible. Par contre, je vais les prendre un à un pour être le plus concis possible.
Tout d'abord, j'aimerais dire que le fait d'appartenir au conseil d'administration de l'Association des vignerons du Québec (un des 12 administrateurs) ne fait pas de moi un vigneron plus important que les autres ou qui détient la vérité. Je ne suis qu'un vigneron parmi nous tous qui essai, au meilleure de sa connaissance et de sa conscience d'apporter une contribution bénévole et un point de vue, le plus juste possible, à cette industrie naissante et grandissante. Mais, j'y suis depuis 1998 (avec une brève pause de 2 ans de 2008 à 2010), j'ai donc pu assister à plusieurs discussions au fil du temps, ce qui me donne un certain recul sur l'analyse des présents évènements.
Pendant 15 ans, le CA de l'AVQ a tenté d'intégrer les rangs de VQA Canada. La raison principale de ce désir d'adhésion étant la volonté d'avoir un organisme reconnu qui pourrait apporter un certain contrôle sur notre industrie notamment sur l'origine et la traçabilité de nos vins. Depuis que les vignerons du Québec existent, on entend à droite et à gauche que certains vignerons trichent et importent plus de vin étranger que ce qui est permis par la loi. Cette pratique mine la crédibilité de nos entreprises et constitue une compétition déloyale avec les confrères. Finalement, la presse garde une certaine distance par rapport à nos produits, ne sachant pas qui est réellement honnête et qui ne l'est pas. Le contrôle de l'origine et la traçabilité du vin devient un incontournable pour se dissocier de ces mauvaises pratiques. Alors le VQA était grandement souhaité dans notre association. Par contre lorsque l'on négocie l'adhésion pour une province et tout ses producteurs, il faut que l'on puissent sentir que nos vignobles pourront s'épanouir dans ce mouvement et que l'on reconnaisse nos spécificités ( nos cépages entre-autre). Dans le projet du VQA Canada, les vins étaient classifiés par catégories, comme une pyramide, La base étant les vins embouteillés au Canada et le haut, étant les vins issue uniquement de cépage te type viniféra. Le centre était dédié aux vins de pays, et c'est dans cette catégorie que l'on plaçait tous les vins québécois. De ce fait, tous nos vins fait avec nos cépages, seyval, frontenac, geisenheim, ect..., se retrouvaient à ne jamais avoir accès à la reconnaissance de vin de qualité. Notre argument étant qu'il est possible de faire un vin de qualité avec des hybrides et un mauvais vin même avec des viniféras, et finalement eux d'admettre qu'ils ne connaissent pas vraiment nos vins puisqu'ils ne les ont jamais goûté.
Pour prouver nos dires, nous avons demandé à la SAQ de nous aider à organiser une dégustation à l'aveugle où nous présenterions nos vins issue de nos cépages. La SAQ a donc cueillis quelques bouteilles de vins québécois vendues sur ses tablettes. Puis ils ont également inclus quelques bouteilles de vin Ontarien déjà certifié VQA. La dégustation a eu lieu avec les représentants de VQA Ontario. L'évènement se tenait au Vignoble "La Roche des Brises" à Saint-Joseph-du-Lac. Tous les vins dégustés ont été jugés de qualité, et apte à appartenir à la catégorie de vin supérieure, sauf deux qui ont été rejetés par le comité. Lorsque les vins ont été dévoilés, nous avons constaté que les 2 vins rejetés étaient 2 vins témoins de l'Ontario qui portaient le sceau VQA. A la suite de cette rencontre nos homologues nous ont dit que l'activité fut très intéressante et formatrice et qu'ils voyaient d'un bon oeil maintenant l'inclusion de nos cépages dans la liste des cultivars reconnue pour l'adhésion à la catégorie supérieure.
Ensuite, nous avons reçu une lettre de leur part qui nous disait qu'ils craignait la présence du cépage Labrusca dans la composition de nos cultivars et qu'ils ne voudraient pas inclure une variété qui comportait plus de 10% de Labrusca (lorsqu'il est dominant dans la composition génétique d'un plant, il peut donner des vins qui ont des saveurs "foxés"). Cette demande nous convenais puisqu'il est à toute fin pratique inexistant dans la génétique de nos cépages (Frontenac 3%, Vandal-Cliche 5%, Vidal 0%, Seyval 0%, Foch 0%). Suite à notre réponse, ils nous ont dit que tous nos cépages, répondant à cette norme seraient inclus dans la liste donnant accès à la catégorie de vin supérieur du VQA Canada.
Nous nous sommes donc donné rendez-vous, représentant de VQA Canada et Vignerons du Québec, au Vignoble de l'Orpailleur à Dunham, pour signer l'entente et sceller notre adhésion au mouvement. Cependant à cette rencontre, lors de l'examen des documents nous avons constaté que nos cépages n'avaient pas été inclus à cette liste donnant accès la la catégorie de vin supérieure. Lorsque nous avons demandé des précisions sur ce fait, après quelques minutes à tourner en rond, ils nous ont avoué qu'ils l'avaient retiré de l'entente. Le projet a donc échoué.
C'est à la suite de ces 15 ans de rencontres, dégustations et négociations que le Québec s'est retiré. Nous ne voulions pas inclure les vignerons d'ici dans une entente où nous ne serions pas reconnu. Tous les pays producteurs de vin reconnaissent des spécificités régionales et des appellations distinctes par leurs terroirs, leurs climats et leurs cépages. La France, un pays beaucoup plus petit que le Québec reconnais des dizaines d'appellations d'origines et des centaines de subdivisions pour respecter l'unicité des terroirs. L'un des plus vaste pays producteur de vin, le Canada où il y a d'énormes différences climatiques et de terroir entre régions viticoles d'un océan à l'autre ne peut être régie par une seule appellation nationale dont les normes seraient dictée unilatéralement par un conseil d'administration qui ne reconnais pas les spécificités régionales, pour nous, ce n'était pas la bonne façon de procéder.
Ce n'est qu'à compter de cette date que nous avons réalisé que le mieux pour nous serait de faire notre propre appellation, malgré les efforts et les coûts que ça engendre. Elle pourra être inclusive et accessible à tous, mais avec un soucis presque maniaque sur les contrôles d'origine, la traçabilité et les contrôles sur la qualité du vin.
Voilà, je reviendrai plus tard pour parler de cette certification pour les vins du Québec, ainsi que pour expliquer la saga des vins de glace et autres interrogations que tu as soulevés Anthony.
Merci et à bientôt
Simon