En été 2011, j’ai remarqué que ma bouteille de Monbazillac 1929 Château de Fonvieille Réserve du Theulet avait coulé et perdu plus d’une centaine de millilitres de son précieux liquide. C’était sans doute sa façon de me dire qu’elle en avait marre d’être couchée. "Debout! Jusqu’à ce que je prenne le temps de décider de ton sort", ai-je pensé en la relevant.
Puis à l’automne, j’ai voulu montrer la bouteille à un ami et en appuyant très légèrement sur la capsule métallique par accident, je l’ai défoncée. Ainsi s’envolait mon intention de mieux protéger la bouteille; elle allait être bue dans les mois suivants. Elle a même fait un passage au concours du dreamer d’où elle est sortie plutôt rapidement, croyant à tort ou à raison que sa dignité n’aurait été reconnue. Peut-être avait-elle déjà d’autres plans que cette parade.
Et nous voilà le 24 décembre au soir, alors que nous étions 26 personnes à participer au réveillon de Noël chez moi. En milieu de soirée, je suis descendu pour faire visiter ma cave à vin à mon neveu Gabriel… Si ma mémoire est juste, son nom même revêt une certaine référence d’annonciation il me semble…
Je lui montre la plus ancienne de mes bouteilles qui se tient fièrement sur la tablette. Je la prends, la lui montre et ce faisant, dépose légèrement l’index sur le goulot obturé, d’une pression assurément inférieure à celle qui serait nécessaire pour pousser l’interrupteur. Mais cela aura suffi pour que, vous l’aurez deviné, le bouchon de liège glisse et plouf!, tombe à la surface du liquide joyeux! Joyeux Noël!
Une grosse minute à s’esclaffer, à s’exclamer! « Il est tombé dedans! » Nous étions incrédules! Que faire? La question n’a pas eu le temps de se poser. Le vin avait décidé. Quand le vin est tiré, il faut le boire dit le vieil adage. Il ne subsistait aucun doute dans mon esprit que cela concernait notre bouchon poussé. Faire autrement eût été injurieux…
J’ai donc appelé mon frère au sous-sol pour qu’il se joigne à nous et quelques autres membres de la famille ont suivi pour cette superbe dégustation improvisée.
S’il était bon? Meilleur que cela encore! Il était magnifique comme seuls les vins de moments magiques savent l’être. Une tonne de noisettes, une longueur hallucinante et une pointe – légère, la pointe - d’oxydation qui ajoutait à charmer nos esprits ouverts.
L’heure étant au partage et à la joie de vivre ce rendez-vous du temporel et de l’intemporel, nous avons été nombreux à porter ce vin à nos lèvres et à nous en réjouir.
Prêter des intentions aux objets inanimés ne fait pas partie de mes habitudes. Mais le vin fait-il vraiment partie de cette catégorie?
Gabriel: en bas à gauche.
P.S.: N'ayez crainte, nous ne saoulons pas les mineurs.
